Loi climat résilience : intervention de Pierre Dharréville, lundi 29 mars 2021
La planète est malade. C’est malheureusement presque devenu une banalité à dire. Voilà bien longtemps que le signal d’alerte est tiré et que la machine poursuit sa course malgré tout. Pourtant, le nombre et l’ampleur des événements climatiques se multiplient, non sans conséquences sensibles pour nos vies et notre santé.
Il y a urgence à changer de cap et il faut accélérer le mouvement. La solution ne se trouve ni dans la technocratie, ni dans quelque domination que ce soit. La transition écologique doit être sociale et démocratique, sans quoi elle est vouée à l’échec. Elle ne saurait se faire que par les femmes et les hommes de notre pays et du monde entier. Mais lorsque tout est conditionné au profit, lorsque la rentabilité à court-terme est la règle, l’humanité et la planète sont conjointement malmenés. Pour bien faire, il faudrait commencer par le voir et le reconnaître.
Ce dimanche, nous étions nombreuses et nombreux à marcher pour le climat, et c’est forts de cette aspiration que nous refusons de nous résoudre à des décisions d’affichage.
Depuis de trop nombreuses années, les principales solutions politiques consistent à insister sur les gestes écocitoyens, à faire porter la responsabilité du changement climatique sur les gestes individuels. Et si chacune et chacun peut agir au quotidien, cela confine à des logiques de culpabilisation des citoyennes et des citoyens qui masquent le renoncement à changer le système.
D’autres choix sont nécessaires pour accélérer la bifurcation écologique et sociale, qui doit être pensée, construite, accompagnée, avec audace. Cela suppose des investissements massifs pour transformer nos modes de vie, de production et de consommation. Cela suppose de remettre en cause le culte du libre-échange et de la concurrence libre et non-faussée, de sortir de la marchandisation et de la privatisation de tout pour retrouver du sens et construire vraiment du commun. Comment peut-on s’en remettre au marché et à la finance pour relever le défi de la planète ? Voie sans issue. Il se trouvera des volontaires pour faire commerce de l’écologie, segment par segment, pourvu que ça rapporte, mais cela ne fera pas un monde commun où l’humain et la planète sont respectés. Cette bataille n’est pas une question de générations et partout dans la société, la conscience grandit et la volonté progresse, mais c’est bien sur des intérêts économiques qu’elle bute. Nous avons la responsabilité, dans ce moment de crise qui n’est pas qu’une crise écologique, mais bien une crise de civilisation, de trouver la voie d’une nouvelle étape de l’humanité.
Et de surcroît après les promesses et les opérations de communications, si tant est qu’une loi y suffise, il paraît évident que nous n’y sommes pas avec ce texte, qui a tout du dé à coudre pour écoper une inondation.
Où sont passées les nombreuses propositions faites dans la Convention citoyenne mais aussi par le CESE, et tant d’autres, qui n’entraient pas dans le logiciel néolibéral de la macronie ? Directement à la baille ! Il est pourtant urgent de conjuguer la réponse pour chacune et chacun à ses besoins et la garantie de ses droits fondamentaux, avec la réduction de l’empreinte écologique, qui au bout du compte en fait partie. Mais en l’état, ce texte ne permettra pas d’atteindre les objectifs que la France s’est fixée lors de l’accord de Paris.
Il y aurait pourtant des leviers à actionner, en s’appuyant sur des services publics forts, en déployant une démarche de promotion de biens communs, en s’attaquant au dumping social, éthique et environnemental, en choisissant d’investir massivement pour développer un autre modèle.
Nous devons par exemple décider de transformer nos modes de production industriels. Et cela s’accommode assez mal avec les exigences de rentabilité des actionnaires. Sur le port industriel de Fos-sur-mer, il y a des aménagements à produire, des synergies à construire et la nécessité d’une vision cohérente qui travaille à la localisation des productions comme un atout pour la planète. Nous pourrions imaginer un incubateur industriel public capable d’impulser ce nouvel âge, dans le cadre d’une véritable planification écologique. Et nous devons penser des systèmes de sécurité sociale de la transition écologique pour les salariés, conjuguée à un élan de formation et de qualification plaçant l’humain au cœur des transformations.
Nous devrions aussi choisir de prendre l’offensive sur les transports.
Le fret ferroviaire constituait en France 45% des transports de marchandises en 1974 ; il n’en représente que 9% actuellement, ayant dégringolé au fil des lois de libéralisation et de privatisation, qui sont le cœur de la construction européenne telle que nous la connaissons. Dans la circonscription, c’est flagrant à l’arrivée et au départ du Grand port maritime de Marseille. Il y a besoin de décisions puissantes pour développer le fret ferroviaire, qui est deux fois moins polluant que la route.
Pour les personnes, le développement des transports collectifs, notamment ferroviaires, garantissant à la fois une sobriété de moyens globaux et le droit fondamental de chacune et chacun à se déplacer est un enjeu fondamental. Il faut passer à une autre échelle. Mais déjà, la loi d’orientation sur les mobilités en 2019 avait inscrit des réductions de service sur les lignes, et elles ont été mises en œuvre sans attendre. Ce sont des décisions accablantes qui détériorent les transports de voyageurs partout en France. C’est entre 60 000 et 80 000 véhicules qui roulent chaque jour entre Marseille et Martigues, alors même qu’une voie de chemin de fer existe entre ces deux villes. En lien avec le développement d’un réseau de transport collectif public de liaisons interurbaines, il y aurait moyen, jusqu’à Istres et Port-saint-Louis du Rhône, en passant par la zone industrielle de Fos, avec des aménagements d’infrastructures, et des cadencements adaptés et des offres tarifaires poussant, pourquoi pas jusqu’à la gratuité, de changer profondément les choses. Mettons-y les moyens, les résultats des expériences de gratuité comme celle d’Aubagne, sont édifiants.
Au-delà, si des propositions sont formulées dans le texte pour le développement des véhicules dits propres, que faisons-nous pour que le prix soit accessible pour toutes les familles quels que soient leurs revenus, plutôt que de faire de toute une partie de la population à la fois des coupables et des victimes ? Il en va de même pour la rénovation thermique des logements. C’est d’un projet de loi de justice sociale et environnementale dont nous avons besoin au plus vite.
Faisons les choix ensemble, accompagnons les transformations, investissons dans l’avenir. Changeons de cap, accélérons, reprenons la main.
Parce que notre planète est un bien commun, il faut la protéger pour que les hommes et les femmes puissent y vivre dignement. C’est une question d’humanité.