Annonces du gouvernement : réaction de Pierre Dharréville
Pourquoi ça ne passe pas
A juste raison, nous étions occupés massivement à nous conformer aux indispensables gestes barrières à chaque moment de la journée. Parce que nous ne voulons pas que ce virus circule.
Et le ministre de la santé annonça soudain la fermeture totale des bars et des restaurants… Voilà plusieurs semaines qu’il mettait la pression sur le Préfet et les élus pour prendre des mesures choc. Pour faire un exemple, brandissant sans cesse la menace à l’encontre des supposés irresponsables. Le voici enfin dans un rôle revendiqué de Père La vertu. Et il nous annonce que ce n’est pas fini…
Les annonces d’hier ont provoqué une vive émotion, une incompréhension, parce qu’elles donnent le sentiment d’une punition collective. Depuis le début de cette crise, le gouvernement s’enferme dans une réponse autoritaire qui infantilise et culpabilise. Cette politique ne passe plus, cette politique ne passe pas.
Elle passe d’autant moins qu’elle se décide à une poignée dans un bureau parisien. Des mesures ont déjà été prises localement, dont on n’attend pas de connaître vraiment les effets.
Elle passe d’autant moins qu’elle ne s’accompagne pas de la transparence sur la situation. Selon les autorités, la courbe dessinerait un plateau, mais tout change avec la création de nouveaux indicateurs.
Elle passe d’autant moins que le gouvernement n’est pas au rendez-vous de ses responsabilités : qu’est-ce qui a été fait depuis six mois pour renforcer nos capacités hospitalières, notamment en termes de personnel, mais aussi en termes de moyens, par exemple de lits, notamment de réanimation ? Sur le terrain, la situation continue de se dégrader. L’hôpital public était déjà sous-dimensionné face aux temps ordinaires ; il l’est d’autant plus en temps de crise sanitaire. Et en réalité, ce n’est pas principalement la covid-19 qui remplit les hôpitaux à ce jour. Personne ne dit que c’est simple, mais il faut s’inquiéter qu’avec les soins qui ont été reportés, et à l’aube de la saison froide, nous soyons en surcharge en tous domaines.
Et c’est sans parler de la gestion des tests, qui en l’état ne sont pas l’outil de lutte contre la circulation du virus qu’ils pourraient être.
Il y a urgence pour des politiques beaucoup plus offensives de prévention et d’éducation sanitaires dans l’espace public et dans l’espace privé.
C’est la sous-capacité de l’hôpital public qui motive ces décisions. Alors pour se dédouaner, le gouvernement pointe du doigt les citoyennes et les citoyens de ce pays et il stigmatise les bars et les restaurants qui sont déjà dans une situation critique, sans certitude que c’est là que se joue la partie. Et il choisit de limiter de façon arbitraire la vie sociale et les libertés fondamentales. C’est cela qui nous est le plus insupportable et que nous ne sommes plus prêts à accepter. Parce que le remède a tellement d’effets secondaires. Il faut s’adapter mais aussi tenir dans la durée. Tout ne peut pas indéfiniment être passé à la moulinette du virus même si nous devons inévitablement en tenir compte dans toutes les activités humaines.
La crise que nous traversons n’est pas seulement une crise sanitaire. Et pour surmonter l’épreuve, il y a besoin d’une société consciente, actrice et mobilisée. Si la situation sanitaire exige de tirer la sonnette d’alarme, il faut le faire, nul ne le nie. Mais vouloir maintenir la société sous l’emprise de la peur ne constitue pas une solution. La situation d’aujourd’hui n’est pas celle du moment où surgissait ce virus inconnu : nous en savons plus, nous avons enfin des masques même s’ils ne sont pas remboursés. Et nous sommes capables de prendre des précautions supplémentaires sans qu’elles nous soient brutalement imposées et sans être fliqués par le gouvernement.
La veille de ces annonces, le Premier ministre réunissait les Présidents de groupes et responsables de partis pour ne rien leur dire de tout cela. Dans quelques jours vient en débat la loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire pour six mois, et il y a fort à parier que tout cela viendra servir de justification.
Si la situation est grave, engageons rapidement des échanges en tous domaines pour prendre des décisions partagées. Il faut continuer à progresser dans la conscience quotidienne du risque, tout en permettant à chacune et chacun d’agir en responsabilité. Il faut des mesures cohérentes , utiles, participatives et proportionnées.
Pour faire face, le gouvernement devrait plus se préoccuper de la cohésion sociale et démocratique dont le pays a besoin pour avancer. Il devrait plus se préoccuper de rechercher l’adhésion que d’installer la défiance. Il devrait plutôt chercher à susciter vivement ces dynamiques plutôt que de parier sur l’obéissance passive à ses crises d’autorité.
Faisons face ensemble.